Communauté de communes Entre Juine et Renarde

Doctorante ou doctorant en théorie géométrique des groupes (H/F)

Lieu : Orsay
Contrat : CDD

Les missions du poste

THÉORIE GÉOMÉTRIQUE DES GROUPES AU-DELÀ DU MONDE DES GROUPES LOCALLEMENT COMPACTS

RÉSUMÉ. Dans ce projet, nous proposons d’étendre les techniques de la théorie géométrique des groupes développées pour les groupes discrets et localement compacts à certains groupes non localement compacts. La première classe de groupes considérée est celle des groupes universels de Burger-Mozes agissant sur des arbres réguliers non localement finis. D'autres questions sur les groupes agissant sur des continua médians et sur les réseaux de groupes polonais sont également abordées.

1. INTRODUCTION
La théorie géométrique des groupes vise à révéler les liens entre la géométrie d'un espace X et les propriétés algébriques, combinatoires ou analytiques d'un groupe G agissant sur X. Au cours des dernières décennies, cette théorie a été particulièrement féconde et a donné de nombreux résultats pour les groupes discrets ou, plus généralement, les groupes localement compacts.

Plus récemment, des idées issues de la théorie géométrique des groupes ont commencé à être utilisées au-delà du monde des groupes localement compacts, en particulier pour les groupes polonais (voir par exemple \[Ros23]). Rappelons qu'un groupe polonais est un groupe topologique qui est séparable et métrisable avec une métrique complète. Un point clé est le fait qu'ils possèdent la propriété de Baire et, en ce sens, leur topologie est relativement "régulière".

Des exemples de tels groupes sont donnés par les groupes d'homéomorphismes d'espaces métrisables compacts, les groupes d'isométries d'espaces métriques polonais, les groupes d'opérateurs d'espaces de Banach séparables, les groupes d'automorphismes de structures dénombrables (comme les graphes)...

Le but de ce projet de thèse s'inscrit dans cet objectif général d'étendre la théorie géométrique des groupes aux groupes polonais. Il s'agit donc d'étudier la géométrie, la topologie et la dynamique de différents types de groupes polonais.

Quitter le monde des groupes localement compacts (que l'on peut considérer comme celui de dimension finie) fait apparaître de nouveaux phénomènes inattendus. Par exemple, en dynamique topologique. Par dynamique topologique, on entend l'étude de toutes les actions continues de groupes topologiques sur des espaces compacts. Pour un groupe localement compact, il existe toujours une action libre sur un espace compact, mais pour des groupes topologiques généraux, il est possible que certains groupes possèdent toujours un point fixe pour toute action continue sur un espace compact. Ces groupes, comme le groupe unitaire de l'espace de Hilbert, sont appelés extrêmement moyennables.

Dans les sections suivantes, nous décrivons les orientations qui s'inscrivent dans ce large projet.

Voici la traduction complète de la **section 2 : Les groupes universels de Burger-Mozes comme groupes polonais**, extraite du document :

2. LES GROUPES UNIVERSELS DE BURGER-MOZES COMME GROUPES POLONAIS

Une première classe d’exemples à étudier dans ce projet de thèse est celle des groupes universels de Burger-Mozes U(Γ). Ces groupes, introduits dans \[BM00], sont construits de la manière suivante :

Soit Γ un groupe de permutations d’un espace dénombrable (fini ou infini) X. Soit T l’arbre régulier de valence |X|, et Aut(T) le groupe des automorphismes de T. Soit E(T) l’ensemble des arêtes de T, V(T) l’ensemble des sommets, et fixons une coloration c : E(T) → X telle que la restriction c\_v de c aux arêtes incidentes à un sommet v soit une bijection.

L’action locale de g ∈ Aut(T) est alors la bijection σ(g, x) : X → X donnée par c\_{gx} ◦ g ◦ c\_x^{-1}. De manière plus informelle, cela encode, par les couleurs, comment g envoie les arêtes autour de x vers celles autour de g x.

On définit ainsi le groupe universel de Burger-Mozes U(Γ) :
U(Γ) = {g ∈ Aut(T), ∀v ∈ V(T), σ(g, v) ∈ Γ}.

Jusqu’à présent, ces groupes ont essentiellement été étudiés dans le cas où Γ est un groupe de permutations fini, c’est-à-dire que T est localement fini et que U(Γ) est localement compact pour la topologie de la convergence simple sur les sommets. Néanmoins, il n’y a aucune raison de se restreindre à ce cas. En réalité, il existe un exemple (où Γ est un cas spécifique) où U(Γ) apparaît comme le groupe d’homéomorphismes d’un ensemble compact bien connu.

Soit f(z) = z² − 1. L’ensemble de Julia de ce polynôme quadratique est le bord de l’ensemble des points de ℂ ayant une orbite bornée sous les itérations de f. Dans ce cas particulier, l’ensemble de Julia est connu sous le nom d’ensemble de Julia de la Basilique, et Y. Neretin a montré dans \[Ner23] que son groupe d’homéomorphismes est un groupe U(Γ), où Γ est le groupe d’automorphismes de la relation de séparation associée à un ordre cyclique dénombrable dense. Cela a été étendu et étudié plus en profondeur dans \[DT25] pour l’ensemble de Julia de l’Avion et tous les ensembles dits « lapins » de Julia (le lapin de Douady étant un cas particulier d’ordre 3).

L’objectif de cette partie du projet est d’aborder la liste (non exhaustive) de questions suivantes :

1. Déterminer quand U(Γ) est oligomorphe pour son action sur V(T). Un groupe de permutations Γ → X est dit oligomorphe si, pour tout n ∈ ℕ, l’action diagonale Γ → Xⁿ admet un nombre fini d’orbites. Ces groupes sont bien compris en tant que groupes topologiques ; par exemple, on sait qu’ils possèdent la propriété (T).
2. Ces groupes ont-ils la propriété de continuité automatique (toute homomorphie abstraite vers un groupe topologique séparable est continue) ?
3. Existe-t-il une topologie polonaise unique pour ces groupes ?
4. Prouver que ces groupes ne possèdent pas d’éléments génériques (éléments avec une classe de conjugaison co-maigre), en démontrant que la longueur de translation est un invariant de conjugaison continu.
5. Décrire la fermeture des classes de conjugaison.
6. Identifier d’autres réalisations concrètes des groupes universels U(Γ) pour Γ infini.
7. Comprendre la dynamique topologique (actions continues sur des espaces compacts) des groupes U(Γ). En particulier, fournir une description du flot minimal universel, du flot proximal minimal universel et du bord de Furstenberg. Le flot minimal universel peut se décrire de la façon suivante : toute action continue minimale d’un groupe topologique donné sur un espace compact est un quotient de son action sur ce flot. Ainsi, en un certain sens, ce flot minimal universel contient toute la dynamique topologique du groupe. Les flots proximaux minimaux universels et le bord de Furstenberg sont des objets similaires pour les actions proximales et fortement proximales.

Cette étude des groupes U(Γ) peut être considérée comme un prolongement des travaux sur les groupes kaléidoscopiques \[DMW19, Duc20, Duc23, BT23]. En particulier, les questions concernant la moyennabilité et l’extrême moyennabilité des sous-groupes sont cruciales. En fait, la définition des groupes kaléidoscopiques dans \[DMW19] a été inspirée par les groupes universels de Burger-Mozes. Ces groupes kaléidoscopiques peuvent être vus comme des équivalents des U(Γ), mais pour des dendrites (arbre topologique compact avec des points de branchement possiblement denses) à la place d’arbres réguliers.

Cette première partie du projet constitue un excellent point de départ pour une thèse de doctorat. Elle traite d’objets bien connus en théorie géométrique des groupes, mais négligés dans le cas non localement compact. Il existe néanmoins une certaine littérature sur le cas localement compact (\[LMW17]) et plus généralement une large inspiration dans la littérature existante pour s’attaquer à ces questions.

Cette étude des groupes U(Γ) pourrait être étendue aux presque-automorphismes d’arbres, ce qui n’a encore jamais été étudié dans le cadre non localement compact.

3. PISTES FUTURES

3.1. CONTINUA MÉDIANS
La première possibilité consiste à étudier ce que j’appelle les continua médians (ceci n’a jamais été publié). L’idée est d’étendre ce qui a été fait pour les dendrites (qui sont en gros des arbres compacts) à des dimensions supérieures.

Définition 1. Une algèbre médiane est une paire (X, m) où X est un espace quelconque et m : X³ → X est une application telle que :
(1) pour tous x, y ∈ X, m(x, x, y) = x ;
(2) m est symétrique ;
(3) m(x, y, m(z, u, v)) = m(m(x, y, z), m(x, y, u), v).
Une telle application m est appelée une application médiane.

Pour a, b dans une algèbre médiane, l’intervalle \[a, b] est le sous-ensemble {c ∈ X, m(a, b, c) = c}. Un sous-ensemble Y d’une algèbre médiane est convexe si pour tous a, b ∈ Y, \[a, b] ⊆ Y.

Définition 2. Une algèbre médiane topologique est un espace topologique X muni d’une application médiane continue m : X³ → X, où X³ est muni de la topologie produit.

Définition 3. Un continuum médian est un triplet (X, m, τ), où (X, τ) est un continuum localement convexe, connexe par arcs (espace compact connexe métrisable), et (X, m) est une algèbre médiane telle que m soit continue pour la topologie produit.

Le groupe d’automorphismes d’un continuum médian est le sous-groupe des homéomorphismes de X qui préservent l’application médiane (f(m(x, y, z)) = m(f(x), f(y), f(z)) pour tout x, y, z ∈ X). On le note Aut(X).

Voici quelques exemples :
(1) Les dendrons et leurs variantes séparables : les dendrites ;
(2) Les complexes cubiques CAT(0) ;
(3) Les espaces L¹ ;
(4) Leurs produits ;
(5) Le cube de Hilbert avec la règle de la majorité ;
(6) Les algèbres mesurables sur des espaces de mesure ;
(7) Les cônes asymptotiques de complexes cubiques CAT(0) séparables ;
(8) Les compactifications de Roller d’espaces médians topologiques à intervalles compacts (Fioravanti).

L’idée est de faire une étude générale de ces espaces et de voir s’il existe des espaces universels comme les dendrites de Ważewski en dimension supérieure.

3.2. RÉSEAUX DE GROUPES POLONAIS
L’autre direction consiste à étudier les réseaux de groupes polonais. Rappelons qu’un réseau dans un groupe localement compact G est un sous-groupe discret Γ tel que l’espace quotient G/Γ admette une mesure de Radon finie, invariante pour l’action à gauche de G. En réalité, il n’est pas difficile de montrer que si G est simplement un groupe topologique et que Γ vérifie les mêmes propriétés, alors cela implique que G possède une mesure de Radon dont la classe est invariante, et donc que G est localement compact. Il faut donc modifier la définition pour obtenir une classe significative de groupes dans le cas des groupes polonais non localement compacts.

Parmi les réseaux de groupes localement compacts, certains sont dits uniformes : cela correspond au cas où l’espace quotient G/Γ est compact. On définit donc un réseau Γ d’un groupe polonais G comme un sous-groupe discret tel que l’espace quotient G/Γ soit grossièrement borné (ou dit aussi co-borné dans G) au sens de Rosendal (voir \[Ros21, Ros23]). Si G est localement compact, on retrouve la notion de réseau uniforme.

Un premier exemple est donné par les groupes libres, qui sont des réseaux du groupe d’automorphismes d’un arbre régulier de valence infinie. On peut aussi montrer qu’un espace de Hilbert (un groupe abélien polonais muni de l’addition) possède des réseaux, même si ce n’est pas évident puisque le sous-groupe des points à coordonnées entières n’est pas co-borné : le cube unité dans Rⁿ a une diagonale de longueur √n.

La première idée est de rassembler des exemples de groupes polonais avec ou sans réseaux. La seconde est d’identifier quelles propriétés sont partagées entre un groupe et ses réseaux. Par exemple, pour un groupe polonais localement compact G, G possède la propriété (T) si et seulement si tous ses réseaux l’ont. Il ne devrait pas être très difficile de prouver que la propriété de Bergman ou la propriété de point fixe dans les espaces de Hilbert (toute action continue par isométries admet un point fixe) sont partagées entre un groupe et ses réseaux. Mais qu’en est-il d’autres propriétés ? Qu’en est-il de la propriété (T) ? Les outils utilisés dans les preuves pour les groupes localement compacts ne sont plus disponibles dans le cas non localement compact. Peut-on trouver d’autres outils dans ce nouveau contexte ?

RÉFÉRENCES
\[BM00] Marc Burger et Shahar Mozes. Groupes agissant sur des arbres : de la structure locale à la structure globale. Publications Mathématiques de l’Institut des Hautes Études Scientifiques, 92(1) :113–150, 2000.
\[BT23] Gianluca Basso et Todor Tsankov. Dynamique topologique des groupes kaléidoscopiques. Adv. Math., 416 : No. 108915, 49, 2023.
\[DMW19] Bruno Duchesne, Nicolas Monod et Phillip Wesolek. Groupes kaléidoscopiques : groupes de permutations construits à partir d’homéomorphismes de dendrites. Fund. Math., 247(3) :229–274, 2019.
\[DT25] Bruno Duchesne et Matteo Tarocchi. Groupes d’homéomorphismes de la basilique, du lapin et de l’avion, 2025, 2502.07762.
\[Duc20] Bruno Duchesne. Propriétés topologiques des groupes de dendrites de Ważewski. J. Éc. polytech. Math., 7 :431–477, 2020.
\[Duc23] Bruno Duchesne. Un sous-groupe fermé du groupe des homéomorphismes du cercle ayant la propriété (T). Int. Math. Res. Not., 2023(12) :10615–10640, 2023.
\[LMW17] François Le Maître et Phillip Wesolek. Sur les groupes de branches profinis fortement juste infinis. J. Group Theory, 20(1) :1–32, 2017.
\[Ner23] Yury A. Neretin. Sur le groupe des homéomorphismes de la basilique, 2023, 2303.11482.
\[Ros21] Christian Rosendal. Géométrie grossière des groupes topologiques, vol. 223 de Camb. Tracts Math. Cambridge : Cambridge University Press, 2021.
\[Ros23] Christian Rosendal. Géométries des groupes topologiques. Bull. Am. Math. Soc., New Ser., 60(4) :539–568, 2023.

Contexte de travail

L’Institut Mathématique d’Orsay (IMO) est une composante de l’Université Paris-Saclay, située sur le campus d’Orsay. Il regroupe une communauté dynamique de chercheurs, enseignants-chercheurs et étudiants engagés dans l’ensemble des domaines des mathématiques fondamentales et appliquées. L’IMO joue un rôle central dans la recherche mathématique en France et à l’international, en lien étroit avec d'autres institutions prestigieuses. Il accueille également une formation de haut niveau, allant de la licence au doctorat, et participe activement à la diffusion des mathématiques.

Contraintes et risques

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